Page:Beckford - Vathek, éd. Mallarmé, 1893.djvu/161

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grande chute d’eau se trouvaient les sourds ; ceux de Pégu avaient les oreilles les plus belles et les plus larges, et jouissaient de l’agrément d’entendre encore moins que les autres. Ce lieu était aussi le rendez-vous de superfluités en tout genre, comme des goîtres, des bosses, et même des cornes, dont plusieurs avaient un poli admirable.

L’Émir voulut rendre la fête solennelle, et faire tous les honneurs possibles à son illustre convive ; en conséquence, il fit étendre sur le gazon une multitude de peaux et de nappes. On servit des pilans de toutes les couleurs, et autres mets orthodoxes pour les bons musulmans. Vathek, qui était honteusement tolérant, avait eu le soin d’ordonner des petits plats d’abomination qui scandalisaient les fidèles. Bientôt, toute la sainte assemblée se mit à manger de son mieux. Le Calife eut envie d’en faire autant ; et, malgré toutes les remontrances du chef des eunuques, il voulut dîner sur le lieu même. Aussitôt l’Émir fit dresser une table à l’ombre des saules. Au premier