Page:Beckford - Vathek, éd. Mallarmé, 1893.djvu/165

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entendre davantage ; mais elle s’éloigna avec toutes ses esclaves. L’amoureux Monarque la suivit des yeux jusqu’à ce qu’il l’eût perdue de vue, et demeura tel qu’un voyageur égaré pendant la nuit, à qui les nuages dérobent la constellation qui le dirige. Un rideau de ténèbres semblait s’être abaissé devant lui ; tout lui paraissait décoloré, tout avait pour lui changé de face. Le bruit du ruisseau portait la mélancolie dans son âme, et ses larmes tombaient sur les jasmins qu’il avait recueillis dans son sein brûlant. Il ramassa même quelques cailloux pour se ressouvenir de l’endroit où il avait senti les premiers élans d’une passion qui jusqu’alors lui avait été inconnue. Mille fois il avait tâché de s’en éloigner, mais c’était en vain. Une douce langueur absorbait son âme. Étendu au bord du ruisseau, il ne cessait de tourner ses regards vers la cime bleuâtre de la montagne. Que me caches-tu, rocher impitoyable ! s’écriait-il : qu’est-elle devenue ? Qu’est-ce qui se passe dans tes solitudes ? Ciel ! peut-être en