Page:Beckford - Vathek, éd. Mallarmé, 1893.djvu/209

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répandaient sur son compte. On conçoit donc avec quelle vivacité Carathis décacheta la lettre, et quelle fut sa rage lorsqu’elle apprit la lâche conduite de son fils. Ah ! ah ! dit-elle ; je périrai, ou il pénétrera dans le palais du feu ; que je meure dans les flammes, et que Vathek règne sur le trône de Suleïman ! En parlant ainsi, elle fit la pirouette d’une manière si magique et si effroyable, que Morakanabad en recula de terreur ; elle commanda de préparer son grand chameau Alboufaki, et de faire venir la hideuse Nerkès et l’impitoyable Cafour ; je ne veux pas d’autre train, dit-elle au visir ; je vais pour affaires pressantes, ainsi trêve de parade ; vous aurez soin du peuple ; plumez-le bien dans mon absence ; car nous dépensons beaucoup, et on ne sait pas ce qui arrivera.

La nuit était très noire, et il soufflait de la plaine de Catoul un vent malsain, qui aurait rebuté tout voyageur, quelque pressé qu’il eût pu être ; mais Carathis se plaisait beaucoup à tout ce qui était funeste.