Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
VATHEK,

démarche étoit noble & aisée ; on auroit admiré sa bonne mine, quand même il n’eût pas été le Souverain du monde. Il s’approcha de Nouronihar, & lorsqu’il eut fixé ses yeux rayonnans, qu’il avoit seulement entrevus, il fut tout hors de lui. Nouronihar s’en apperçut, & elle les baissa aussi-tôt ; mais son trouble augmentoit sa beauté, & enflammoit davantage le cœur de Vathek.

Bababalouk, connoisseur en pareilles affaires, vit qu’à mauvais jeu il falloit faire bonne mine, & fit signe à tout le monde de se retirer. Il parcourut tous les coins de la salle pour voir si personne ne s’y étoit caché, & il vit des pieds qui sortoient du bas de l’estrade. Bababalouk les tira à lui sans cérémonie, & voyant que c’étoient ceux de Gulchenrouz, il le mit sur ses épaules, & l’emporta en lui faisant mille odieuses caresses. Le petit crioit & se débattoit, ses joues devinrent rouges comme la fleur de grenade, & ses yeux humides étinceloient de dépit. Dans son désespoir, il jetta un regard si significatif à Nouronihar, que le Calife s’en apperçut, & dit : seroit-ce là votre Gulchenrouz ? Souverain du monde, répondit-elle, épargnez mon cousin, dont l’innocence & la douceur ne méritent pas