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CONTE ARABE.

le sopha. Réchauffe-moi, ma chère Nouronihar, disoit Gulchenrouz, en la tenant étroitement embrassée ; mets ta main sur mon cœur : il est de glace. Ah ! tu es aussi froide que moi. Le Calife nous auroit-il tué tous les deux avec son terrible regard ? Je meurs, repartit Nouronihar d'une voix éteinte, serre-moi ; que du moins j'exhale mon ame sur tes lèvres. Le tendre Gulchenrouz poussa un profond soupir, leurs bras tombèrent & ils n'en dirent pas davantage ; tous les deux restèrent comme morts.

Alors, de grands cris retentirent dans le harem. Shaban & Sutlemémé jouèrent les désesperés avec beaucoup d'adresse. L'Emir, fâché d'en venir à ces extremités, faisoit pour la première fois l'épreuve de la poudre, & n'avoit pas besoin de contrefaire l'affligé. On avoit éteint les lumières. Deux lampes jettoient une triste lueur sur le visage de ces belles fleurs, qu'on croyoit fanées dans le printems de leur vie ; & les esclaves, qui s'étoient rassemblés de toutes parts, restèrent immobiles au spectacle qui s'offroit à leurs yeux. On apporta les vêtemens funèbres ; on lava leurs corps avec de l'eau rose; on les revêtit de simarres plus blanches que l'albâtre ; & leurs belles tresses, nouées ensemble, furent parfumées des odeurs les plus exquises.