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CONTE ARABE

grand bassin de marbre noir, qui relevoit admirablement la blancheur de Nouronihar. Bababalouk, chez qui cette belle étoit rentrée en grace, prenoit soin que leurs repas fussent servis avec la plus grande délicatesse ; c’étoit toujours quelques mets nouveaux ; & il fit chercher à Schiraz un vin pétillant & délicieux, encavé avant la naissence de Mahomet63. On cuisoit dans de petits fours pratiqués dans le roc, des pains au lait que Nouronihar pétrissoit de ses mains délicates ; ce qui leur donnoit une saveur si fort au gré de Vathek, qu’il en oublioit tous les ragoûts que ses autres femmes lui avoient faits ; aussi ces pauvres délaissées se mouroient-elles de chagrin chez l’Emir.

La sultane Dilara, qui jusqu’alors avoit été la favorite, prenoit cette négligence à cœur avec une energie qui étoit dans son caractère. Dans le cours de sa faveur, elle avoit été imbue des idées extravagantes de Vathek, & brûloit de voir les tombeaux d’Istakhar, & le palais des quarante colonnes : élevée d’ailleurs parmi les mages, elle se réjouissoit de voir le Calife, prêt à s’adonner au culte du feu : ainsi la vie voluptueuse & fainéante qu’il menoit avec sa rivale, l’affligeoit doublement. La piété passagère de Vathek, lui