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CONTE ARABE

d'Alboufaki. Ce fut bien pire lorsque Carathis leur ordonna de se mettre en route, quoiqu'il fût midi & qu'il fît une chaleur à calciner les pierres ; malgré tout ce qu'ils purent dire, il fallut obéir.

Alboufaki qui aimoit beaucoup la solitude, renifloit quand il appercevoit la moindre habitation, & Carathis le gâtant à sa manière, se détournoit tout de suite. Il arriva de là que les paysans ne purent pas prendre la moindre nourriture sur la route. Les chèvres & les brebis, que la Providence sembloit leur envoyer, & dont le lait auroit pu les rafraîchir un peu, s'enfuyoient à la vue de l'hideux animal & de son étrange charge. Pour Carathis, elle n'avoit nul besoin de ces alimens communs, ayant inventé depuis long-tems une opiate qui lui suffisoit, & dont elle faisoit part à ses chères muettes.

À la nuit tombante, Alboufaki s'arrêta tout court, & frappa du pied. Carathis connoissoit ses allures, & comprit qu'elle devoit être dans le voisinage d'un cimetière. En effet, la lune jettoit une pâle lueur qui lui fit bientôt entrevoir une longue muraille, & une porte à demi ouverte & si élevée, qu'elle pouvoit y faire passer Alboufaki. Les misérables guides, qui touchoient à