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VATHEK,

cultiver de petits jardins, remplis de fruits, & sur-tout de melons musqués, les meilleurs de la Perse. Quelquefois on les voyoit épars dans la prairie, s’amusant à nourrir des paons plus blancs que la neige, & des tourterelles azurées. Ils étoient ainsi occupés, quand les avant-coureurs du cortège impérial crièrent à haute voix : habitans de Rocnabad, prosternez-vous sur les bords de vos sources limpides, & rendez graces au ciel qui vous montre un rayon de sa gloire ; car voici le Commandeur des Croyans qui approche.

Les pauvres santons, remplis d’un saint empressement, se hâtèrent d’allumer des cierges dans tous les oratoires, déployèrent leurs alcorans sur des lutrins d’ébène, & allèrent au devant du Calife, avec de petits paniers remplis de figues, de miel & de melons. Pendant qu’ils s’avançoient en procession & à pas comptés, les chevaux, les chameaux & les gardes, faisoient un horrible dégât parmi les tulipes, & les autres fleurs de la vallée. Les santons ne pouvoient s’empêcher de jetter un œil de pitié sur ces ravages, pendant que de l’autre, ils regardoient le Calife & le Ciel. Nouronihar, enchantée de ces beaux lieux qui lui rappelloient les aimables solitudes de son enfance, pria Vathek de s’arrêter, mais ce prince,