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VATHEK,

présentèrent leurs offrandes au Calife, en le suppliant d’honorer leur ville & leurs mosquées de sa présence. Oh ! pour cela, dit Vathek, je m’en garderai bien ; j’accepte vos présens, & vous prie de me laisser tranquille, car je n’aime pas à résister à la tentation : mais comme il n’est pas décent que des gens aussi respectables que vous s’en retournent à pied, & que vous avez la mine d’être d’assez mauvais cavaliers, mes eunuques auront la précaution de vous lier sur vos ânes, & prendront sur-tout bien garde que vous ne me tourniez pas le dos ; car ils savent l’étiquette. Il y avoit parmi eux de vigoureux scheiks, qui, croyant que Vathek étoit fou, en disoient tout haut leur opinion : Bababalouk prit soin de les faire garrotter à doubles cordes ; & piquant tous les ânes avec des épines, ils partirent au grand galop, tout en ruant & s’entrechoquant de la manière la plus plaisante du monde. Nouronihar & son Calife, jouissoient à l’envi l’un de l’autre, de cet indigne spectacle ; ils faisoient de grands éclats de rire, lorsque les vieillards tomboient avec leur monture dans le ruisseau, & que les uns devenoient boiteux, d’autres manchots, d’autres brèche-dents, ou pis encore.

On passa deux jours fort délicieusement à