Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tantôt il croyoit entendre des voix qui partoient du fond de l’abyme, tantôt il s’imaginoit y démêler les accens de l’Indien ; mais ce n’étoit que le mugissement des eaux, & le bruit des cataractes qui tomboient à gros bouillons des montagnes.

Vathek passa la nuit dans cette violente situation. Dès que le jour commença à poindre, il se retira dans sa tente, & là, sans avoir rien mangé, il s’endormit, & ne se réveilla que lorsque l’obscurité vint couvrir l’hémisphère. Alors, il reprit le poste de la veille, & ne le quitta pas de plusieurs nuits. On le voyoit marcher à grands pas & regarder les étoiles d’un air furieux, comme s’il leur reprochoit de l’avoir trompé.

Tout-à-coup, depuis la vallée jusqu’au-delà de Samarah, l’azur du Ciel s’entremêla de longues rayes de sang ; cet horrible phénomène sembloit toucher à la grande tour. Le Calife voulut y monter ; mais ses forces l’abandonnèrent : &, transi de frayeur, il se couvrit la tête du pan de sa robe.

Tous ces prodiges effrayans ne faisoient qu’exciter sa curiosité. Ainsi, au lieu de rentrer en lui-même, il persista dans le dessein de rester où l’Indien avoit disparu.