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CONTE ARABE.

suave se fit délicieusement sentir ; les colonnes de marbre jettèrent des sons harmonieux, & les cornes liquéfiées exhalèrent un parfum ravissant. Carathis, en extase, jouissoit d’avance du succès de ses conjurations ; tandis que les muets & les négresses, à qui les bonnes odeurs donnoient la colique, se retirèrent dans leurs tanières en grommelant.

Des qu’ils furent partis la scène changea. Le bûcher, les cornes & les momies firent place à une table magnifiquement servie. On y voyoit au milieu d’une foule de mets exquis des flacons de vin, & des vases de Fagfouri où un sorbet excellent reposoit sur la neige14. Le Calife fondit sur tout cela comme un vautour, & dévoroit un agneau aux pistaches ; mais Carathis, occupée de tous autres soins, tiroit d’une urne de filigramme un parchemin15 roulé dont on ne voyoit pas la fin, & que son fils n’avoit pas même apperçu. Finissez done, glouton, lui dit-elle d’un ton imposant, & écoutez les promesses magnifiques qui vous sont faites ; alors elle lut tout haut ce qui suit. « Vathek, mon bien-aimé, tu as surpassé mes espérances ; mes narines ont savouré le fumet de tes momies, de tes excellentes cornes, & sur-tout de ce sang musulman que tu as