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CONTE ARABE.

bonnes lieues avant l’aurore, & l’étoile du matin étinceloit encore dans le firmament, quand ce nombreux cortège arriva au bord du Tygre, où l’on dressa les tentes pour se reposer le reste de la journée.

Trois jours s’écoulèrent de la même manière. Le quatrième, le ciel en courroux éclata de mille feux : la foudre faisoit un fracas épouvantable, & les Circassiennes tremblantes embrassoient leurs vilains gardiens. Le Calife commençoit à regretter les palais des sens ; il avoit grande envie de se réfugier dans le gros bourg de Ghulchissar, dont le Gouverneur étoit venu lui offrir des rafraîchissemens. Mais ayant regardé ses tablettes, il se laissa intrépidement mouiller jusqu’aux os, malgré les instances de ses favorites. Son entreprise lui tenoit trop à cœur, & ses grandes espérances soutenoient son courage. Bientôt le cortège s’égara ; on fit venir les géographes pour savoir où l’on étoit ; mais leurs cartes trempées étoient dans un état aussi piteux que leurs personnes ; d’ailleurs, on n’avoit point fait de long voyage depuis Haroun Al-Rachid : on ne savoit donc plus de quel côté se diriger. Vathek, qui avoit de grandes connoissances de la situation des corps célestes, ne savoit où il en étoit sur la terre.