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CONTE ARABE.

l’espoir que la présence du Calife les guériroit de leur folie, & les convertiroit à la foi musulmane : mais hélas ! on se trompa beaucoup. Au lieu de les prêcher, Vathek les traita comme des bouffons, leur dit de faire ses complimens à Visnou & à Ixhora47, & se prit de fantaisie pour un gros vieillard de l’isle de Serendib, qui étoit le plus ridicule de tous. Ah çà, lui dit-il, pour l’amour de tes Dieux, fais quelque gambade qui m’amuse. Le vieillard offensé se mit à pleurer ; & comme il étoit un vilain pleureur, Vathek lui tourna le dos. Bababalouk, qui suivoit le Calife avec un parasol, lui dit alors : que votre Majesté prenne garde à cette canaille. Quelle diable d’idée de la rassembler ici ! Faut-il qu’un grand Monarque soit régalé d’un tel spectacle, avec des intermèdes de talapoins plus galeux que des chiens ? Si j’étois vous, j’ordonnerois un grand feu, & je purgerois la terre de l’Emir, de son harem & de tpute sa ménagerie. Tais-toi, répondit Vathek. Tout ceci m’amuse infiniment, & je ne quitterai pas la prairie que je n’aie visité tous les animaux qui l’habitent.

À mesure que le Calife alloit en avant, on lui présentoit toutes sortes d’objets pitoyables48 ; des aveugles, des demi-aveugles, des messieurs