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CONTE ARABE.

la sainte assemblée se mit à manger de son mieux. Le Calife eut envie d’en faire autant ; & malgré toutes les remontrances du chef des eunuques, il voulut dîner sur le lieu même. Aussi-tôt l’Emir fit dresser une table à l’ombre des saules. Au premier service on donna du poisson tiré d’une rivière50 qui couloit sur un sable doré au pied d’une colline fort haute. On rôtissoit ce poisson à mesure qu’on le prenoit, & on l’assaisonnoit ensuite avec des fines herbes du mont Sina51 ; car chez l’Emir tout étoit aussi pieux qu’excellent.

On étoit aux entremets du festin, quand tout-à-coup un son melodieux de luths que répétoient les échos, se fit entendre sur la colline. Le Calife, saisi d’étonnement & de plaisir, leva la tête, & il lui tomba sur le visage un bouquet de jasmin. Mille éclats de rire succédèrent à cette petite niche, & à travers les buissons on apperçut les formes élégantes de plusieurs jeunes filles qui sautilloient comme des chevreuils. L’odeur de leurs chevelures parfumées parvint jusqu’à Vathek ; il suspendit son repas, & comme enchanté il dit à Bababalouk : les Périses52 sont-elles descendues de leurs sphères ? Vois-tu celle dont la taille est si déliée, qui court avec tant d’intrépidité sur les bords des précipices, & qui en tournant sa