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VATHEK,

recueillis dans son sein brûlant. Il ramassa même quelques cailloux pour se ressouvenir de l’endroit où il avoit senti les premiers élans d’une passion, qui jusqu’alors lui avoit été inconnue. Mille fois il avoit tâché de s’en éloigner, mais c’étoit en vain. Une douce langueur absorboit son ame. Étendu au bord du ruisseau, il ne cessoit de tourner ses regards vers la cîme bleuâtre de la montagne. Que me caches-tu, rocher impitoyable ! s’écrioit-il : qu’est-elle devenue ? Qu’est-ce qui se passe dans tes solitudes ? Ciel ! peut-être en ce moment elle erre dans tes grottes avec son heureux Gulchenrouz !

Cependant le serein commençoit à tomber. L’Emir, inquiet pour la santé du Calife, fit avancer la litière impériale ; Vathek s’y laissa porter sans s’en appercevoir, & fut ramené dans le superbe sallon où il avoit été reçu la veille.

Mais laissons le Calife livré à sa nouvelle passion, & suivons sur les rochers Nouronihar, qui avoit enfin rejoint son cher petit Gulchenrouz. Ce Gulchenrouz étoit le seul enfant d’Ali Hassan, frère de l’Emir, & la créature de l’univers la plus délicate, la plus aimable. Depuis dix ans son père étoit parti pour voyager sur des mers inconnues, & l’avoit confié aux soins de Fakreddin.