Page:Becque - Théâtre complet, 1890, tome 1.djvu/244

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succès : Je comptai d’abord sur mon intelligence, sur mon travail, sur ma probité même ; je me montrai délicat en affaires, généreux avec les hommes, mais je m’aperçus bientôt qu’ils me traitaient comme un adversaire, quand je les considérais comme des associés. Alors je me servis des moyens qu’ils employaient et à leurs ruses j’opposai les miennes. Dans ces luttes quotidiennes de la vie, la loyauté s’altère et se rouille comme une épée —de parade qu’on abandonne promptement pour employer des armes plus avantageuses. Un jour vint cependant où la mauvaise chance triompha de mon habileté comme du reste ; je vis tomber mes entreprises les plus sages, je vis disparaître mes dernières ressources en me répétant avec désespoir qu’elles représentaient notre existence commune et l’établissement de notre enfant. Eh bien, s’il m’était resté, réponds moi sans chercher à me comprendre, s’il me restait encore aujourd’hui un moyen périlleux, un acte coupable qui une fois découvert entraînerait sur son auteur une flétrissure publique, que devrais-je faire, sauver ma fortune ou mon honneur ?…

MADAME DE LA ROSERAYE, fondant en larmes

Ton honneur, Henri, ton honneur…

DE LA ROSERAYE

Elle me tue ! Plus un mot ! Plus un mot !… Passe dans ma chambre, je te prie, tu trouveras des sels sur un meuble, apporte-les-moi.

MADAME DE LA ROSERAYE

Es-tu malade ?

DE LA ROSERAYE

Va, va… va.

Elle sort.