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LE COMTE

Ici ou ailleurs, monsieur le baron, je suis enchanté de vous revoir et de vous retrouver toujours aussi jeune, aussi vaillant. Vous ne changez pas. Belle vieillesse, morbleu ! dont vous devez être fier et qui ferait envie à bien des hommes de mon âge. Comment diable votre génération s’y est-elle prise pour manquer si totalement la nôtre ?

? Vous me gardez rancune, je le vois, de la conversation un peu vive que nous avons eue avant mon départ pour l’Afrique. Vous êtes violent quand vous vous y mettez ; moi, c’est mon état le plus ordinaire. Les Arabes ont un très-beau proverbe que je ne connaissais pas alors. Ils disent : « Le lion ne combat pas avec le lion. » Si je n’étais pas toujours sur les grandes routes, je serais allé vous voir depuis longtemps. Ma mère, je m’en souviens, vous préférait à ses autres frères, et j’ai hérité de son enthousiasme pour vos grandes vertus chevaleresques.

LE BARON

Je vous remercie, monsieur le baron. En rendant hommage à mon caractère et en rappelant fort à propos la mémoire de la comtesse de Rivailles, ma sœur bien-aimée, vous donnez vous-même à cet entretien toute la gravité qu’il exige. J’aurais été surpris le premier de me rencontrer ici avec vous, si je n’avais appris par une confidence douloureuse le mystère qui accompagne votre présence. Il n’entre pas dans ma pensée d’apprécier votre conduite et