Page:Becque - Théâtre complet, 1890, tome 1.djvu/279

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jamais, j’en suis sûre, d’avoir triomphé de tes hésitations. L’affection si profonde et déjà ancienne de Michel est une garantie pour ta mère que tu conserveras toujours le cœur de ton mari. Ses qualités sont de celles qui font les bons ménages et les femmes heureuses ; sa situation s’améliorera encore en même temps que ses travaux prendront plus d’importance, le voilà sur la route de la fortune et des honneurs. À moins de rester vieille fille, pouvais-tu trouver un parti qui te convînt davantage ? Il n’est pas jusqu’à tes velléités de grandeur que tu satisferas tout à ton aise dans le cercle de tes nouvelles connaissances où tu vas trôner comme une petite reine.

HÉLÈNE

Que vous êtes bonne de penser pour moi à tant de choses ! Je vous aime, ma mère, je voudrais vous ressembler. Comme vous êtes toujours naturelle, si mesurée, sûre de vous-même ; je me rends compte en vous écoutant de l’infériorité de mon esprit, qui saute toujours d’un extrême à l’autre, et d’exagération en exagération. Vous croyez peut-être qu’en me.décidant à me marier sur vos instances, j’ai calculé à part moi les avantages de cette résolution. Il n’en est rien : aisance, plaisirs, vanités, que m’importe 1 Aujourd’hui moins que jamais, ce qu’on est convenu d’appeler le bonheur ne saurait me satisfaire, et si les joies de la vie m’avaient plus préoccupée que ses devoirs, il m’aurait fallu alors des satisfactions immenses, toutes les impétuosités de la passion., une liberté sans borne. ? Pardon !