Page:Bedier - La Chanson de Roland.djvu/10

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qui était de publier pour le mieux un même texte d’après le même manuscrit, leurs éditions diffèrent les unes des autres, singulièrement. Si l’on recueillait toutes leurs corrections et toutes celles qu’ont proposées depuis quatre-vingts ans, en tant de revues de philologie, tant de commentateurs, on pourrait publier du poème une édition variorum où les conjectures foisonneraient, presque aussi nombreuses que dans une édition variorum des Odes d’Horace.

Il est facile d’expliquer pourquoi. Le manuscrit d’Oxford est l’ouvrage d’un scribe anglo-normand, et le texte que ce scribe nous propose est un spécimen très pur du français qui se parlait et s’écrivait en Angleterre cent ans après la conquête, vers l’an 1170. Mais c’est bien avant l’an 1170, c’est un demi-siècle plus tôt pour le moins, que le poète a écrit la Chanson de Roland, et rien n’invite à croire qu’il ait jamais vécu, comme son copiste, en Angleterre. Le texte d’Oxford apparaît donc dès le premier regard comme une tardive transposition en français insulaire d’une œuvre écrite d’abord dans un autre idiome. Si