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CXCV

Ils laissent leurs chevaux sous un olivier ; deux Sarrasins les ont saisis par les rênes. Et les messagers se prennent par leurs manteaux, puis montent au plus haut palais. Quand ils entrèrent dans la chambre voûtée, ils firent par amitié un salut malencontreux : « Que Mahomet, qui nous a en sa baillie, et Tervagan, et Apollin, notre seigneur, sauvent le roi et gardent la reine ! » Bramimonde dit : « J’entends de très folles paroles ! Ces dieux que vous nommez, nos dieux, ils nous ont failli. À Roncevaux, ils ont fait de laids miracles : ils ont laissé massacrer nos chevaliers ; mon seigneur que voici, ils l’ont abandonné dans la bataille. Il a perdu le poing droit : c’est Roland qui l’a tranché, le comte puissant. Charles tiendra en sa seigneurie toute l’Espagne ! Que deviendrai-je, douloureuse, chétive ? Hélas ! n’y aura-t-il personne pour me tuer ? »

CXCVI

Clarien dit : « Dame, ne parlez pas sans fin ! Nous sommes messagers de Baligant, le païen. Il défendra Marsile, il le promet ; comme gages, il lui envoie son gant et son bâton. Sur l’Èbre nous avons quatre mille chalants, des vaisseaux, des barges et de rapides galées, et tant de dromonts que je n’en sais le compte. L’émir est fort et puissant ; en France il s’en ira, en quête de Charle-