Page:Bedier - La Chanson de Roland.djvu/245

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est resté beau, mais il a perdu sa couleur ; ses yeux sont virés et tout pleins de ténèbres. Par amour et par foi Charles dit sur lui sa plainte : « Ami Roland, que Dieu mette ton âme dans les fleurs, en paradis, entre les glorieux ! Quel mauvais seigneur tu suivis en Espagne ! (?) Plus un jour ne se lèvera que pour toi je ne souffre. Comme ma force va déchoir, et mon ardeur ! Je n’aurai plus personne qui soutienne mon honneur ; il me semble n’avoir plus un seul ami sous le ciel ; j’ai des parents, mais pas un aussi preux. » À pleines mains il arrache ses cheveux. Cent mille Français en ont une douleur si grande qu’il n’en est pas un qui ne fonde en larmes.

CCVIII

« Ami Roland, je m’en irai en France. Quand je serai à Laon, mon domaine privé, de maints royaumes viendront les vassaux étrangers. Ils demanderont : « Où est-il, le comte capitaine ? » Je leur dirai qu’il est mort en Espagne et je ne régnerai plus que dans la douleur et je ne vivrai plus un jour sans pleurer et sans gémir.

CCIX

« Ami Roland, vaillant, belle jeunesse, quand je serai à Aix, en ma chapelle, les vassaux viendront, demanderont les nouvelles. Je les leur dirai, étranges et rudes : « Il est mort, mon neveu, celui qui me fit conquérir tant de terres. » Contre moi se rebelleront les Saxons, et les Hongrois et les