Page:Bedier - La Chanson de Roland.djvu/309

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d’une fête solennelle, celle, disent plusieurs, du baron saint Sylvestre. Alors commence le plaid et voici l’histoire de Ganelon, qui a trahi. L’empereur devant lui l’a fait traîner.

CCLXXII

« SEIGNEURS barons, » dit Charlemagne, le roi, « jugez-moi Ganelon selon le droit. Il vint dans l’armée jusqu’en Espagne avec moi : il m’a ravi vingt mille de mes Français, et mon neveu, que vous ne reverrez plus, et Olivier, le preux et le courtois : les douze pairs, il les a trahis pour de l’argent. » Ganelon dit : « Honte sur moi, si j’en fais mystère ! Roland m’avait fait tort dans mon or, dans mes biens, et c’est pourquoi j’ai cherché sa mort et sa ruine. Mais qu’il y ait là nulle trahison, je ne l’accorde pas. » Les Francs répondent : « Nous en tiendrons conseil. »

CCLXXIII

DEVANT le roi, Ganelon se tient debout. Il a le corps gaillard, le visage bien coloré : s’il était loyal, on croirait voir un preux. Il regarde ceux de France et tous les jugeurs, et trente de ses parents qui tiennent pour lui ; puis il s’écrie à voix haute et forte : « Pour l’amour de Dieu, barons, entendez-moi ! Seigneurs, je fus à l’armée avec l’empereur. Je le servais en toute foi, en tout amour. Roland, son neveu me prit en haine et me condamna à la mort et à la douleur. Je fus