Page:Bedier - La Chanson de Roland.djvu/63

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XXXVI

Ganelon s’est avancé vers le roi. Il lui dit : « Vous vous irritez à tort, puisque Charles, qui règne sur la France, vous mande ceci : recevez la loi des chrétiens, il vous donnera en fief la moitié de l’Espagne. L’autre moitié, Roland l’aura, son neveu : vous partagerez avec un très orgueilleux voisin. Si vous ne voulez pas accepter cet accord, le roi viendra vous assiéger dans Saragosse : de vive force vous serez pris et lié : vous serez mené droit à la cité d’Aix ; vous n’aurez pour la route palefroi ni destrier, mulet ni mule, que vous puissiez chevaucher ; vous serez jeté sur une mauvaise bête de somme ; là, par jugement, vous aurez la tête tranchée. Notre empereur vous envoie ce bref. » Il l’a remis au païen, dans sa main droite.

XXXVII

Marsile a blêmi de courroux. Il rompt le sceau, en jette la cire, regarde le bref, voit ce qui est écrit : « Charles me mande, le roi qui tient la France en sa baillie, qu’il me souvienne de sa douleur et de sa colère pour Basan et son frère Basille de qui j’ai pris les têtes aux monts de Haltoïe ; si je veux racheter ma vie, que je lui envoie mon oncle l’Algalife ; sans quoi, jamais il ne m’aimera. » Alors le fils de Marsile prit la parole. Il dit au roi : « Ganelon a parlé en fou.