Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/158

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membres dégingandés dans le plus d’espace possible, avec le laisser aller particulier à leur race ; — des fusils entassés dans les coins, des poires à poudre, des carnassières, des chiens de chasse et de petits nègres couchés pêle-mêle, formaient les traits principaux du tableau. Devant le feu était assis un personnage à longues jambes, se balançant dans sa chaise, son chapeau sur la tête, et les talons de ses bottes boueuses reposant majestueusement sur le manteau de la cheminée ; — posture tout à fait favorable aux méditations qu’éveillent les tavernes de l’Ouest, si l’on en juge par la prédilection des voyageurs pour ce nouveau genre d’élévation intellectuelle[1].

L’hôte qui se tenait derrière le comptoir était comme la plupart de ses compatriotes, grand, osseux, jovial et disloqué, avec une forêt de cheveux, que surmontait un immense chapeau.

Cet emblème caractéristique de la souveraineté de l’homme figurait, il est vrai, sur la tête de tous les assistants : feutre, feuille de palmier, castor crasseux, ou luisant chapeau neuf, il rayonnait partout avec une indépendance toute républicaine. Il semblait même participer de la nature de chaque individu. Les uns le portaient sur l’oreille, en tapageurs, — c’étaient de joyeux bons vivants, d’humeur facile et sans gène ; d’autres l’abaissaient fièrement sur le nez, — caractères de fer, qui n’ôtaient pas leur chapeau, parce qu’il ne leur convenait pas de l’ôter, et qui prétendaient le mettre à leur fantaisie ! Il y en avait qui le renversaient en arrière, — gens éveillés, qui voulaient voir clair devant eux ; tandis que les indifférents, s’inquiétant peu de leur coiffure, la laissaient libre de prendre toutes les allures imaginables : bref, ces divers chapeaux eussent fourni une étude digne de Shakespeare.

  1. Il y a ici un jeu de mots intraduisible, une espèce de calembour sur understanding, qui veut dire à la fois intelligence, et familièrement chaussures, socques, sous-pieds.