Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/249

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esclaves, et la loi m’autorisait à les conduire à ma guise. Saint-Clair, lui aussi, avait sa fortune et ses gens, et j’eusse été charmée qu’il les menât à sa façon, s’il n’était intervenu dans mes affaires. Il a quelques idées saugrenues, extravagantes, sur certains chapitres, entre autres sur le traitement des esclaves. Il les fait presque passer avant moi, et même avant lui ; il leur laisse faire toutes sortes de dégâts sans jamais lever le doigt. Parfois, pourtant, Saint-Clair est effrayant. — Il m’effraie, dans certains cas, moi-même, doux comme il le parait d’ordinaire ! Il a mis les choses sur un pied tel, que, quoiqu’il arrive, il ne doit pas dans sa maison y avoir un seul coup donné, excepté par lui ou par moi ; et sa volonté sur ce point est si absolue que je n’ose la contrecarrer. Vous pouvez deviner où cela mène ! Saint-Clair ne les battrait pas, quand ils le fouleraient aux pieds ! et moi… jugez si on peut, sans cruauté, m’infliger une pareille fatigue ! Vous le savez, les esclaves ne sont que de grands enfants.

— Je n’en sais rien, et remercie Dieu de l’ignorer, répondit brièvement miss Ophélia.

— Vous l’apprendrez, et à vos dépens, si vous restez ici. Vous ne vous doutez pas de ce qu’est ce troupeau de méchantes, paresseuses, ingrates créatures ! » Ce sujet, quand elle l’abordait, semblait toujours merveilleusement surexciter Marie ; ses yeux s’étaient ouverts, sa langueur s’était envolée, lorsqu’elle reprit, avec plus de véhémence :

« Vous n’imaginez pas, vous ne pouvez imaginer les épreuves qu’ils suscitent tous les jours, à toutes heures, en tout et pour tout, à leur maîtresse. Je ne m’en plains pas à Saint-Clair ; il a là-dessus les principes les plus étranges. Ne prétend-il pas que, les ayant faits ce qu’ils sont, nous devons les supporter ! Que leurs défauts viennent des nôtres, et qu’il serait cruel de les leur donner, et de les en châtier. Il dit qu’à leur place nous en ferions tout autant, comme s’ils pouvaient nous être comparés !