Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/347

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

miss Ophélia. C’est mentir d’une autre façon, mais c’est toujours mentir !

— Seigneur, moi pas savoir, dit Topsy d’un air ingénu.

— Bah ! est-ce qu’il y a un grain de vérité dans cette engeance ! s’écria Rosa, lançant à Topsy un regard d’indignation. Si j’étais tant seulement maître Saint-Clair, je vous la fouetterais jusqu’au sang ! oui, pour sûr, et elle l’aurait bien gagné.

— Non, non, Rosa, dit Éva de cet air d’autorité que l’enfant savait prendre parfois. « Ne parlez pas ainsi ; je ne puis pas le souffrir.

— Là ! le Soigneur nous assiste ! reprit Rosa ; vous êtes par trop bonne aussi, miss Éva ; vous n’entendez rien à mener les nègres. Il n’y a d’autres moyens que de les rouer de coups ; c’est moi qui vous le dis.

— Rosa ! paix, encore une fois ; pas un mot de plus ! » Les yeux de l’enfant étincelèrent, et ses joues devinrent pourpres.

À l’instant Rosa fut matée ; elle sortit de la chambre en murmurant à demi-voix :

« Miss Éva est du sang des saint-Clair, ça se voit. C’est qu’elle peut parler juste comme son papa. »

Éva demeura immobile, les yeux attachés sur Topsy.

Là se trouvaient face à face deux êtres qui représentaient les points extrêmes de l’échelle sociale. L’enfant, belle, blanche, aristocratique, avec sa tête dorée, son front intelligent, élevé, ses mouvements nobles et gracieux ; et l’autre petite créature, noire, vivace, souple, rampante, et cependant subtile. Elles étaient là, types vivants de leurs races : l’une, Saxonne, née d’une succession de siècles de culture, de domination, de supériorité physique et morale : l’autre, Africaine, produit d’une longue série d’opprobres, d’oppression, de servitude, de travail et de vice.

Quelques douteuses idées de ce genre roulaient peut--