Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/436

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rêverie, il semblait s’entretenir avec lui-même en une langue mélodieuse. Il s’interrompit, ouvrit un tiroir, en tira un vieux cahier de musique, et se mit à en tourner les feuilles jaunies par le temps.

« C’était un des cahiers de ma mère », dit-il à miss Ophélia ; voilà de son écriture ; — venez-voir. — Elle avait copié et arrangé ce chant d’après le Requiem de Mozart.

Miss Ophélia s’était avancée et regardait.

— Elle le chantait souvent, reprit Saint-Clair : je crois encore l’entendre.

Il préluda par quelques tons graves, et commença l’antique et solennelle prose latine du Dies Irœ.

Tom, qui entendait de la galerie extérieure, arriva jusqu’à la porte, attiré par le son, et y demeura tout ému. Il ne comprenait pas les mots, mais la musique et la voix lui remuaient l’âme, surtout aux passages les plus pathétiques. Tom aurait sympathisé bien davantage encore avec ce chant, s’il en eût compris les belles paroles :

Recordare, Jesu pie,
Quod sum causa tuæ viæ,
Ne me perdas illa die :
Quærens me sedisti lassus,
Redemisti crucem passus ;
Tantus labor non sit cassus[1] !

Saint-Clair y mettait une expression profonde et pénétrante ; cette obscure vallée de larmes lui semblait close,

  1. Ô doux Jésus, qu’il te souvienne
    Que tu daignes, dans ton amour,
    Pour rendre mon âme chrétienne,
    Naître, vivre, et mourir un jour.

    Ne laisse pas choir dans l’abîme
    L’âme que tu venais sauver !
    Sur la croix, auguste victime,
    Ton sang coula pour me laver.