Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/584

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viens ! viens ! » Et tandis qu’il gisait couvert d’une sueur froide, l’apparition disparut, sans qu’il sût quand et comment. Il sauta hors du lit, et courut à la porte ; elle était fermée à double tour : il tomba évanoui.

À dater de cette nuit, Legris s’abandonna à l’ivresse : il but, non plus comme autrefois avec une certaine prudence, mais outre mesure et sans arrêt.

Bientôt le bruit qu’il se mourait se répandit aux environs ; ses excès avaient développé l’effroyable maladie[1] qui semble projeter sur la vie présente les ombres livides de la réprobation future. Personne ne pouvait supporter les horreurs de cette chambre funèbre, où il délirait, se débattait, hurlait, et parlait de visions qui glaçaient le sang de ceux qui l’entendaient : debout, près de son lit de mort, il voyait se dresser une figure blême, terrible, inexorable, qui lui répétait : « Viens ! viens ! viens ! »

Par une bizarre coïncidence, le matin qui suivit la nuit où le fantôme apparut pour la première fois à Legris, on trouva la porte de la maison ouverte, et quelques nègres aperçurent deux ombres blanchâtres, glissant le long de l’avenue qui conduisait au grand chemin.

Un peu avant le lever du soleil, Emmeline et Cassy firent une halte dans un bouquet d’arbres près de la ville.

Cassy, vêtue de noir, portait le costume des créoles espagnoles. Un voile, jeté par-dessus son chapeau et surchargé de broderies, lui cachait le visage. Il avait été convenu qu’elle passerait pour une dame créole, et Emmeline pour sa femme de chambre.

Élevée dès son enfance au milieu de gens distingués, Cassy se trouvait en parfait rapport de langage, de manières, d’aspect, avec le rôle qu’elle avait pris. Ce qui lui restait encore de joyaux et de riches vêtements lui permit de compléter son personnage.

Elle s’arrêta dans le faubourg de la ville, à un magasin

  1. Le delirium tremens