Page:Belon - L’histoire naturelle des estranges poissons marins.djvu/105

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ELle resẽble a un navire qui anciẽnement estoit nõmé Acatiõ, vaisseau plus commun en la mer du Propontide qu’il n’estoit ailleurs. Mutianus parlãt de ceste espece de cõche, l’a descripte cõme il la veit au Propontide, elle ha une enfonsure proprement cõme un navire, & la dicte enfonsure est ce qu’on nomme la carẽne : a laquelle enfonsure ou carenne l’on ha coustume d’attacher les aix du navire aux deux costez. Il semble que la dicte coquille soit de trois pieces, scavoir est que l’enfonsure soit separee des deux costez. Mais cela n’est que de l’industrie de nature : car elle est d’une seule piece, toute a beauls petits raions. Elle porte la proue devant, comme faict un navire : & la pouppe derriere, ainsi retournee en rondeur de compas, comme estoit celle espece de navire qui avoit nom Acation : ceste coquille est toute cochee aux bords, & seroit quasi de forme ronde, si elle n’avoit ouverture par l’endroict ou se nourrit son animal. Sa grandeur ne surpasse point une paulme : car estendant la main dess son escorce par la lõgueur, les extremitez du poulce & du petit doigt pourront bien arriver aux extremitez de la coquille. Il la fault manier doulcement : car elle est fragile. Voila quãt a la coquille. Mais quand le poissõ sent le temps douls, & la mer sans tempeste, lors il sort hors de la mer avec sa coquille, & vient s’esbatre sur l’eau, le ventre contremont : qui est chose moult admirable en nature, qui n’est cõmune a nul autre. Il laisse une espace vuide, sachant que sa coquille en sera plus legiere, a fin que mettant hors & estendant une membrane ou pellicule qu’il ha, & d’icelle faisant voile, laquelle il renforce avec deux de ses iambes ou cirres, l’une de ça l’autre de la, il ait le plaisir qu’il pretent estant poulsé legierement du vent par dessus l’eau. Il ha quatre iambes de chasque costé, desquelles deux tiennent la voile dressee, & les autres luy servent d’avirons & de gouvernail, & a le voir lon diroit proprement que c’est un navire. S’il sent quelque peril eminent, tant des oyseaux nommez Lari, qui estants en l’air luy font la gueree comme a l’Exocetus, ou bien les autres appellez Caniards de mer, alors il retourne sa coquille qui avoit le ventre contremont, & la remplit d’eau, & se retire dedẽs, pour retourner trouver le fond de la mer. Et sa aiant tourné la coquille sur son dos, il retient puis la vraie façon d’un Limas.