Page:Belon - L’histoire naturelle des estranges poissons marins.djvu/62

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Daulphin, mais toutesfois il ha biẽ la gueulle plus large. La figure de sa queue approche plus de celle du Daulphin que du Marsouĩ, toutesfois elles se ressemblent toutes trois. Ce poisson n’ha pas seulement esté veu pour un coup, car il advient quelques fois qu’õ en prend d’autres semblables & de plus grands, mais si rarement que en dix ans a peine en sera pris une douzaine en tout le rivage. Il ne reste rien a descrire de son exterieure peĩcture, sinõ que celuy dõt ie parle maĩtenãt, estoit femelle, qui avoit un petit dedẽs le vẽtre, lequel pour lors n’estoit encor pas parvenu a iuste grãdeur, car c’estoit au commencement de may, mil cinq cents cinquante & un, toutesfois il estoit desia si grand, qu’il avoit deux coudees de long, qui est vray argument que ce poisson fust en espece different au Daulphin, & Marsouin. Ceste femelle avoit des mamelles, une de chasque costé, qui estoient moult manifestes, tellement qu’il ha esté libre a un chascun de les veoir, desquelles les petits bouts estoient cachez dedens une fente, mais on les tiroit facilement hors de la dicte fente quand on les pinsoit avec les ongles : on pas que le bout de la tetine eust une teste comme ha un autre animal terrestre, mais seulement un petit bout delié, duquel les petits Oudreaux tettent le laict des mamelles, qui sõt cachez cõme ie diray en descrivãt sõ interieure anatomie. Voila ce que i’avoye a dire touchãt l’exterieur de ce moult grãd poissõ, qui ha esté spectacle au peuple de Paris, car ils le venoient veoir a l’hostel de Nevers par grande singularité.

XLVIII.

Discours prins des autheurs, touchant ce qu’ils ont escript du poisson nommé Orca.

I’Avoye desia descript ce poisson avant l’avoir nommé de nom antique : mais apres que i’eus long temps songé dessus, & que ie trouvay tant de merques qui le me distinguoient du Marsouin, Chauldron, & Daulphin, ie songeoye quelle antique appellation il pourroit obtenir. Desia n’est ce pas Pristes ou Pristis : car il est manifeste que le poisson que les François nomment un Chauldron est Pristes. Lequel ie n’ay point voulu descripre d’avantage en ce lieu (combiẽ qu’il eust peu convenir a ceste matiere) pource que ie n’en avoye point la peincture. Aussi n’est ce pas Physeter, car il fault (s’il est vray ce qu’on en escript) qu’il soit plus grand poisson que cestuy ci. Mais quand i’eus enquis, particulierement des