Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
183
GRANDGOUJON

à qui un éclatement, à cinq cents mètres, fit faire un saut.

— Pauvre et jeune garçon ! C’est la France qui est repérée ! lança d’une voix sonore Laboulbène.

— Saleté ! bredouilla Grandgoujon.

— Oui, c’est malsain, expliqua l’autre. Ils envoient sans prévenir, toujours où il y a du monde !

— Cochons ! fit Grandgoujon.

Ils marchaient dans un champ, le long d’une route où se croisaient dans une hâte fiévreuse des convois, des troupes, des batteries, des autos. Grandgoujon roulait des yeux fous.

— De quoi as-tu peur ? demanda Laboulbène.

— Sais pas, fit Grandgoujon.

— Crois-tu que les Boches vont avancer ?… En pays ennemi ? Ce serait d’une imprudence !

— En tout cas, dit Grandgoujon, ce sont des assassins !

— As-tu une pipe ? fit le vieux.

— Je l’ai perdue, dit Grandgoujon.

— Du pinard ? fit le vieux.

— M’en reste plus, dit Grandgoujon.

— Tu n’as que ton bon sens ? Alors petit, alors ! Pourquoi cet air encombré de femme enceinte ou de violoncelliste ?

Bzzz… Houah !… Boum !

— Cré nom ! fit Grandgoujon.

— Coule-toi dans ce boyau, ordonna Laboulbène.

La terre du champ s’enfonçait en un couloir ;