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GRANDGOUJON

sous le bras, qui cherchait un téléphone aux quatre points cardinaux.

— Grandgoujon, je viens de faire un lancement de tracts patriotiques ! Réponse cinglante aux Boches sur l’Alsace-Lorraine. Ils font remonter leurs droits à Charlemagne ; je reprends la question plus haut. Je vous ferai lire ; je suis heureux de vous voir ici.

De loin il cria encore :

— Hein ? Je vous ai fait muter dans les quarante-huit heures !

Grandgoujon n’eut pas le temps de répondre. Une épaisse main lui comprimait l’épaule : Creveau.

— Alors… quand je promets ?

— Bonjour patron… balbutia Grandgoujon.

— Mon vieux, j’ai prévenu tout de suite. Et je n’ai pas tourné autour du pot. Je les ai avertis avec simplicité : « Vous êtes des saligauds : avez-vous le droit de faire tuer cet homme-là ? Il n’y a pas que la guerre, messieurs : il y aura la paix, et il sera intéressant d’avoir en conserve quelques bonshommes. » Ils ont compris : ça va… Vous venez entendre cette crétinade ?

— Mon Dieu, patron…

— Moi, je viens prendre des notes. Je prépare une étude sur ce genre d’excitateurs publics. Sales oiseaux, mon vieux, qui montent le bourrichon aux Conseils de guerre et nous, ensuite, il faut suer sang et eau pour faire acquitter des innocents !… Ce sont des veaux dangereux : je veux en voir un de près.