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GRANDGOUJON

Boche ! Ah ! les cochons ! J’les ai vus en 70… Prenez pas une p’tite pêche tachée, Monsieur… Attendez, pisque vous connaissez M’sieur Moquerard, j’vas vous en choisir une de c’que j’vends à la pièce.

— À la bonne heure ! dit Quinze-Grammes. Il mordait lui-même dans un énorme fruit. Il dit :

— C’est qu’on rapplique d’un enterrement : Grandgoujon vient d’enterrer sa mère.

— Vot’e mère à vous ? fit le fruitier. Oh !… pauv’e Monsieur ! Asseyez-vous donc… L’est fameuse, hein, celle-là ?… Vot’e mère, alors ?…

— Hélas !…

— Y avait-il du monde ?

— Oh ! dit Grandgoujon, tous mes amis ont été gentils.

À son tour, il mordit dans un fruit, et, se noyant dans le jus :

— Des gens, même, dont je disais du mal… je n’aurais pas cru… Seulement ça ne rend pas la vie aux morts… S’il y a la paix, un jour, Monsieur, je ne sais pas combien il en restera !

— J’en ai peur aussi, reprit le fruitier… En 70, si vous aviez vu déjà comme ils nous ont traités… Ah ! les cochons ! Mais maintenant, d’quèque côté qu’on s’tourne, qué misère ! Les fruits par la chaleur c’t un empoisonnement !

Enfin, ils prirent congé. Grandgoujon serra la main poisseuse du bonhomme, et, sur le seuil, ils se heurtèrent à Mademoiselle Nini qui, à la vue de Grandgoujon, fit la moue et s’esquiva. Il demanda à Quinze-Grammes :