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GRANDGOUJON

— Tu vois comme on juge mal.

— Dame, à travers un plafond… Au fait, elle viendra te voir. Elle t’aime d’avance.

— Que tu es gentil ! Rentrons vite.

Les yeux pleins de l’image délicieuse de la musicienne du dessus, Grandgoujon suivit sa mère.

— Vieux, dit-il à Colomb, tu me rappelais tout à l’heure le nom de tes amis charmants…

— Punais des Sablons.

— C’est ça : Punais… c’est rigolo… Alors, ils sont nobles ?… Ils ont de la veine… J’ai toujours eu envie d’être noble… Comment sont-ils nobles ?

— Je crois, dit Colomb, que lui est comte romain.

— Diable !… Eh bien… en attendant que toi aussi tu sois romain, je t’emmène… j’aime mieux t’emmener, pour bouffer.

Charitablement il baissa la voix :

— Ici nous sommes servis par une sorcière, et nous jeûnons.

— Mais pas du tout, fit Madame Grandgoujon.

— Tandis que tu vas voir ce petit restaurant, où je vais te traiter.

— Poulot, reprit Madame Grandgoujon, pense à ton régime.

— On fera deux repas : un comme il faut, l’autre pour se soigner.

En connaisseur il clignait de l’œil. Colomb, tout à ses raisonnements, trouva convenable de glisser :

— Hélas ! Je ne suis pas gros mangeur !

— La quantité, dit Grandgoujon, aucune im-