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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

Barbet était à cinq cents mètres de ce qu’il allait voir, que déjà il s’émerveillait, et cela c’est un des côtés légers mais charmants du Français qui voyage. Il a, pour ce qu’on lui montre, une galanterie a priori, qui est de l’habitude et non de l’observation. Il aperçoit des formes vagues sur un terrain d’un kilomètre ; il dit : « Comme c’est étendu ! » Il découvre que ce sont des tentes, il s’écrie : « Des tentes, quelle bonne idée ! » Puis il ajoute : « Je parie que tout est prévu là-dedans ! » Et comme on ne répond pas, il poursuit : « Quelle différence avec nous !… »

Après quoi, il développe : En France, nous battons l’air de nos bras ; chacun soupire : « Nous sommes débordés ! Au petit bonheur ! Et allez donc ! » Vous, Anglais, dites : « Puisque c’est la guerre, du calme ». Vous êtes des sages… nous, nous parlons trop !

Et pour le prouver, Barbet parla encore.

Il expliqua à James Pipe en descendant devant l’hôpital, que les Anglais ignorent l’amertume, le scepticisme, le laisser-aller ; que les Anglais ne soupirent pas sur la vie, mais la vivent ; que les Anglais ne sont pas des résignés ; que les Anglais mettent de l’ordre bonnement, et que les Anglais se retrouvent toujours. Et en somme, la