Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
38
LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

Il était sordide, sa vieille figure amollie et jaunie par la buée des sauces qu’il portait depuis trente ans, et l’habit crasseux, maculé de ronds d’huile, un prétexte de plus pour lui dire : « Servez peu de chose, que nous filions ! »

Mais Barbet eut beau objecter d’une voix ferme : « Pas de truite ! » il reprit d’une bouche en cœur, inscrivant sur un bloc-notes :

— Messieurs, il vous faut une petite entrée.

— Nô, dit le major. Omelette !

— Oui, répéta Barbet, omelette, comprenez-vous ?

— Très bien, lit le vieux, ronronnant, omelette en second, aux pointes d’asperges.

— Je me moque des pointes ! fit Barbet.

— Ce ne sera pas long : la truite est prête. Ces messieurs ne l’auront pas finie que l’omelette sera là. Et alors, je pourrai leur donner un suprême de pintade chevalière.

— Nô, nô, dit le major, cela est terrible ! Il ne comprend ! Mongsieur Bâbette, dites-lui, s’il vous plaît.

Barbet s’ébroua :

— Garçon !

Le vieux s’était tourné pour un ordre :

— Au six, Eugène, une Chablis, une !