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ACTE QUATRIÈME
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Emmanuel. — C’est délicieux !

Le Docteur Denis. — Je ne me domine plus !

Le Docteur Sandoinet. — Remarquez. Messieurs, les injures du prévenu. Des mots tels que crevettes ou acolytes, ne renferment en soi aucune violence. Je ne sais s’il en a dit d’autres…

Le Substitut. — Boisseau de puces.

Le Docteur Sandoinet. — Il a dit boisseau de puces ? Boisseau de puces confirme ma thèse ! Aucune de ces expressions, surtout boisseau de puces, ne sent l’ennemi de la société…

Emmanuel. — C’est un être exquis.

Le Docteur Sandoinet. — … Mais bien le rêveur, inadapté à la vie sociale. Ses actes non plus ne marquent aucune idée fixe, à la façon de ceux qui sciemment poursuivent un but nuisible. Non. Il est simplement la proie d’une émotivité constitutionnelle exagérée. Soudain, dans n’importe quelle circonstance, n’importe quel lieu, il sent en lui des velléités esthétiques, si j’ose dire…

Emmanuel. — Très bien, tout cela !

Le Docteur Denis. — Malheureux, voyez donc où il vous entraîne !

Le Docteur Sandoinet. — Et comme il a une imprévoyance et une aboulie aussi fortes que son désir, il parle et agit comme il rêve, montrant publiquement qu’il est un maniaque en dehors de la norme.

Emmanuel. — C’est énorme !

Le Docteur Denis. — C’est terrible !

Emmanuel. — Mais c’est vrai !