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ACTE PREMIER
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Et vous paierez au vu du papier, quand j’enverrai le veston ?

M. Rat. — Le ves…

Emmanuel. — Ainsi qu’il est convenu ?

M. Rat, désespéré. — Je ne comprends rien !

Emmanuel. — Rien ! Juste ciel !

M. Rat. — Monsieur, ne vous fâchez pas !

Emmanuel. — Ah ! je ne me fâche pas, Monsieur Rat, mais vous êtes le contraire de la poésie ! (brusque) Allons, au revoir !

M. Rat. — Euh… Au revoir, Monsieur !

(Et M. Rat s’enfuit.)

Emmanuel, seul. — Il est parti ! Il ne revient pas ! Et sa femme va lui persuader que je suis une canaille !… Je ne veux pas de son complet. (Il enlève son veston et sort de la vitrine le costume de la Garde. Puis il court à l’escalier et il appelle :) Monsieur Rat !… Monsieur Rat !…

(Rentrée de M. Rat.)

Emmanuel. — Monsieur Rat, prenez ce billet, qui est un faux. Je n’en veux faire aucun usage.

M. Rat. — Ah !… Je me disais aussi…

Emmanuel. — Vous disiez-vous quoi que ce fût ?… Monsieur Rat, si vous lisez dans votre journal que le peuple est souverain, payez-vous une bonne petite rigolade devant votre glace !… Laissez-moi parler… Savez-vous qu’un homme indépendant comme je veux être, qui a décidé de se payer doucement la tête des gens graves, n’a pas une minute à soi : il est débordé… Quand je vous regarde, Monsieur Rat, je déborde. Madame votre mère ne vous a donc jamais promené, petit, tête