Page:Benoit L Atlantide.djvu/204

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étaient charmants. Outre Malmesbury, j’y comptai plusieurs relations : lord Clebden, lord Chesterfield, sir Francis Mountjoye, major au 2e Life Gards, le comte d’Orsay. On joua, puis on se mit à parler politique. Les événements de France faisaient les frais de la conversation, et on discutait à perte de vue sur les conséquences de l’émeute qui avait éclaté le matin même à Paris, à la suite de l’interdiction du banquet du XIIe arrondissement, et dont le télégraphe venait d’apporter la nouvelle. Je ne m’étais jamais occupé jusque-là des choses publiques. Je ne sais donc ce qui me passa par la tête lorsque j’affirmai avec la fougue de mes dix-neuf ans que les nouvelles arrivées de France signifiaient la République pour le lendemain et l’Empire pour le surlendemain.

« Les convives accueillirent ma boutade avec un rire discret, et leurs regards se portaient du côté d’un invité qui était assis cinquième à une table de bouillotte où l’on venait de s’arrêter de jouer.

« L’invité sourit aussi. Il se leva, vint vers moi. Je le vis de taille moyenne, plutôt petit, serré dans une redingote bleue, l’œil lointain et vague.

« Tous les assistants considéraient cette scène avec un amusement ravi.

« — À qui ai-je l’honneur ? — demanda-t-il d’une voix très douce.

« — Comte Casimir Bielowsky, — répondis-je vertement, pour lui prouver que la différence d’âge n’était pas un motif suffisant à justifier son interrogation.