Page:Benoit L Atlantide.djvu/240

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— Raconte, petite Tanit-Zerga, — disais-je, les yeux ailleurs.

— Tu as tort de sourire, — poursuivait-elle un peu froissée, — et de ne pas me prêter attention davantage. Mais qu’importe ! C’est pour moi que je raconte ces choses, à cause du souvenir. Eh bien, en amont de Gâo, le Niger fait un coude. Il y a dans le fleuve un petit cap, tout chargé d’énormes gommiers. C’était un soir d’août, et le soleil allait mourir, puisque, dans la forêt environnante, il n’y avait plus un oiseau qui ne fût perché, immobile, jusqu’au lendemain. Soudain, vers l’ouest, nous entendîmes un bruit inconnu, boum-boum, boumbaraboum, boum-boum, qui grandissait, — boum-boum, boum-baraboum, et ce fut brusquement un vol extraordinaire d’oiseaux aquatiques, aigrettes, pélicans, canards armés et sarcelles, qui s’éparpillait au-dessus des gommiers, suivi dans l’air d’une colonne de fumée noire à peine infléchie par la brise qui naissait.

« C’était une canonnière qui tournait le cap, soulevant, de chaque côté du fleuve, des remous qui faisaient tressauter les broussailles pendantes. À son arrière, on voyait, traînant dans l’eau, tellement la soirée était chaude, le drapeau bleu-blanc-rouge.

« Elle vint aborder au petit môle de bois. Une chaloupe fut descendue, avec deux laptots qui ramaient et trois chefs qui, bientôt, sautèrent sur le sol.

« Le plus vieux, un marabout français, avec un