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TRAGEDIE.

Un mortel craint des Dieux, aymé de la victoire
Se laiſſe donc ſurprendre au milieu de ſa gloire ?
Et voſtre grand courage eſt donc réduit au point
D’eſperer en ma grace, ou de n’eſperer point ?
Quoy ma fille aymeroit nos plus grands adverſaires ?
Elle ſeroit le prix du meurtre de ſes freres ?
Et je vous pourrois faire un traittement ſi doux
Apres les maux ſanglants que j’ay receu de vous ?
Je ne veux point pourtant tromper voſtre eſperance,
Ny faire qu’un refus me ſerve de vengeance,
Nous procurant la paix ſous ces conditions,
Que ma fille reſponde à vos affections.

Achille.

Ha ce doux mot ranime un cœur reduit en cendre !
Vous me donnez la paix, & je vous la veux rendre.
Achille qui jouiſt d’un bon-heur ſans eſgal,
Vous fera plus de bien qu’il ne vous fit de mal,
Et ſi de voſtre ſang il rougit plus qu’un autre,
Il vous offre le ſien en eſchange du voſtre,
J’acheveray pour vous ce qu’Hector projettoit.

Hecube.

Helas ! ſoyez nous donc ce qu’Hector nous eſtoit.

Achille.

Je ne merite pas cét honneur que j’eſpere,
Je fus ſon homicide, & je ſeray son frere.