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LA MORT D’ACHILLE.

Et je ne ſuis pas homme à luy ravir ſa gloire,
Mais bien d’autres qu’Ajax ont part à la victoire.
Un myſtere ſecret à ces armes eſt joint,
Quoy poſſederoit-il ce qu’il ne cognoiſt point ?
Les Cieux, les eaux, les champs, & les villes gravees,
Ouvrage de Vulcan, ſeroient mal obſervees,
Cet écu pour Ajax a-t’il eſté formé ?
Un ſoldat ignorant n’en doit pas eſtre armé.
Je me ſuis feint, dit-il, de la guerre incapable,
Si ma feinte eſt un crime, Achille fut coupable,
Deux femmes ſur nous deux l’emporterent jadis,
Nous n’en rougirons point, je fus mary, luy fils,
Elles ont obtenu par un pouvoir celeſte,
Un peu de noſtre temps, vous avez eu le reſte.
Mais ſans toy, pourſuit-il, Palamede euſt veſcu,
Car tu l’as accuſé ſans l’avoir convaincu,
Ailleurs ſon innocence euſt trouvé des refuges,
Vous l’avez condamné, deffendez-vous, mes Juges ;
Non, non, vos jugements ne ſont point éblouys,
Ses crimes furent veus devant que d’eſtre ouys,
Et je n’ay point cauſé les maux de Philoctete,
Ny voulu que Lemnos luy ſerviſt de retraite.
Mais malgré ſon couroux qui contre nous s’émeut,
Il faut pourtant qu’il vienne, & le deſtin le veut,
Qu’Ajax l’aille trouver, & qu’il le perſuade,
Si vous luy commettez une telle ambaſſade :