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SCIENCE DE LA MORALE. 99


Une expression hasardée par Locke, homme qui vaut à lui seul vingt Maupertuis, a donné cours à une idée fausse, pénible et pernicieuse. Il dit que toute action a sa source dans une disposition qu’il appelle uneasiness et qu’on a expliquée et traduite par malaise. Si cela est vrai, le malaise accompagne toujours nécessairement l’action, et un homme doit être dans un état de malaise toutes les fois et aussi long-temps qu’il agit. Mais quel est le sentiment que Locke appelle uneasiness ? Ce n’est pas un sentiment pénible, ce n’est pas le malaise, c’est la sensation, le pressentiment d’une aptitude à jouir dans un temps à venir, d’un plaisir qui n’est pas actuellement présent. C’est le besoin de changement, de mouvement, d’action, besoin inhérent à l’action vitale. Le plaisir peut naître de mille sources diverses, et cependant l’imagination nous en faire entrevoir beaucoup d’autres encore. Le présent peut être brillant de jouissances, même au moment où nos regards plongent dans un avenir plus brillant encore ; et aux plaisirs de la possession peuvent se joindre les plaisirs de l’espérance.

Si l’on en croit Johnson, la pensée de tout homme est occupée de son dîner jusqu’au moment où le dîner est servi ; et suivant Locke, et