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SCIENCE DE LA MORALE.

n’admet point ces décisions péremptoires. Avant de condamner un acte, il exige que son incompatibilité avec le bonheur des hommes soit démontrée. De telles investigations ne conviennent point à l’instructeur dogmatique. Il ne saurait donc s’accommoder du principe de l’utilité. Il aura pour son usage un principe à lui. Pour soutenir son opinion, il fera de cette opinion un principe. « Je proclame que ces choses ne sont pas bien, dit-il avec une dose suffisante d’assurance, donc elles ne sont pas bien. » Il est évident que cette manière de raisonner, par laquelle l’affirmation d’une opinion tient lieu de preuve et constitue une raison suffisante, doit mettre sur le même niveau les idées les plus extravagantes et les opinions les plus salutaires, et qu’il faudra désormais apprécier la vérité ou la fausseté d’une opinion par le degré de violence avec lequel on la soutient, et par le nombre de ses sectateurs. Mais si la violence constitue un moyen d’appréciation, comme l’intensité d’une conviction ne peut se mesurer que par son influence sur les actions, il en résultera que celui qui renverse son adversaire, est meilleur logicien que celui qui se borne à une prédication véhémente ; celui qui lui coupe la gorge, meilleur logicien encore, et qu’enfin tous deux doivent