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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

prendre. Je puis mourir. Il faudra que tu travailles alors pour toi-même.

— Non, non ! si tu étais morte, je n’aurais plus qu’à mourir aussi !

— Je ne pourrai cependant pas, songeait Yette, la faire vivre perpétuellement en serre chaude, hors de l’atteinte du vent et de la pluie ! »

Puis elle se rassurait ; sa sœur était si gentille, si digne, à son avis, que le ciel fît pour elle un miracle !

« Mon Dieu, disait Yette, dans ses prières de chaque jour, mon Dieu, aidez-moi et veillez sur elle ! »

Mme Darcey ne prédisait-elle pas qu’il surgirait à l’heure voulue un prince charmant pour cette petite princesse de contes de fées ? Le prince charmant ainsi annoncé faisait trotter la cervelle de la sœur aînée ; mais bientôt elle se reprochait des pensées dont son bon sens pratique comprenait la vanité. On voit par là, cependant, que Yette était capable de déraisonner un peu. Nous avons tous notre petit grain de folie, et l’amour fraternel était le sien.

Peu à peu le prince charmant prit dans son imagination une figure moins nuageuse. À la fin du premier semestre de l’année où elle commença