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son cachet si indiscutable d’originalité ? Non certes ; et c’est ici le cas de répéter avec M. Taine : « On ne peut traduire ces idées fichées en travers, qui déconcertent l’économie de notre style moderne. » Sharon Turner s’était exprimé déjà d’une manière non moins énergique sur ce sujet, ainsi qu’on le verra dans les passages de son livre que je reproduis plus loin. Est-ce à dire cependant que le style du poëme soit dépourvu de tout charme ? Loin de là ; il possède au contraire une saveur sui generis un peu barbare peut-être, mais néanmoins très réelle, que le rythme et l’allitération contribuent en partie à lui donner ; mais c’est à conserver cette saveur que nos langues modernes se montrent tout-à-fait impuissantes[1].

Voilà ce que j’avais à dire sur la traduction. Je dois ajouter que, pour le développement de la partie historique du poëme, si pleine d’obscurité, j’ai suivi l’interprétation qu’en a donnée Grein et qu’on considère en général comme la plus vraisemblable. Cette interprétation elle-même est loin d’être définitive. On doit la considérer comme un bon point de départ, comme une base solide que les travaux ultérieurs de la critique compléteront et modifieront de plus d’une manière. Les notes qui suivent ma traduction sont destinées à éclaircir les points qui ne sont pas traités dans la préface : je les ai empruntées en partie aux ouvrages de Grein, Heyne, Ettmüller, dont les travaux font autorité dans le domaine de la philologie saxonne. Enfin, je n’ai pas besoin de faire ressortir l’utilité du résumé du poëme dont j’ai fait accompagner mon travail.

Je dois dire en terminant que ce n’est pas sans une certaine anxiété que je livre mon travail à l’examen des

  1. Il ne faut pas oublier que la langue française différant complètement par ses racines de l’anglo-saxon, il ne m’a pas été permis d’éluder les difficultés de l’original comme on a pu le faire parfois en anglais et en allemand.