Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/35

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ne s’y répercutait. Il demeurait lèvres closes, les regards creux, semblable à ces babouins emperruqués nommés hamadryas, qui doivent être les magistrats du peuple des singes, tant leur maintien est sévère.

— Jamais il ne parlera, déclara Paul Legris à sa femme, et j’y renonce ! Qu’est-ce que c’est que ce bipède-là ? L’as-tu fait avec une statue ?

— Il dira donc « maman », jura la mère, et je m’en charge. Les phoques le prononcent, raisonnait-elle, et ils ne sont que des phoques. Il n’est point jusqu’à des poupées de caoutchouc ou de bois dont la mécanique n’obtienne l’émission réitérée de la double syllabe. A plus forte raison l’amour maternel ! Qu’il se refuse au « papa », soit, mais au « maman », impossible, fût-il enfant du diable !

La lutte fut longue et acharnée, car Marie Barbier souffrait en son orgueil de mère du babil à sous-entendus des commères. Elle eut beau user de tous les moyens, même de ceux dont dispose la nourrice : lui refuser le sein, le pincer où le caresser, lui donner et lui retirer un jouet, lui prodiguer violence ou tendresse, elle ne descella point la mâchoire mystérieuse. Quoi ! pas plus « maman » que « papa » ? Elle en pleurait de rage et de honte. Une nuit pour-