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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/12

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quer aux jeunes le fanatisme que, de 1860 à 1870, l’exilé de Guernesey inspirait aux intellectuels de ma génération. Je ne lui vois de comparable que le culte napoléonien, sous la Restauration, chez les demi-soldes. Je me rappelle qu’au lycée Charlemagne, où je terminais mes études, en 1864, nous agitions gravement le projet d’aller l’arracher de son roc anglais, autre Sainte-Hélène, et de le ramener sur le pavois à la tribune de l’Assemblée nationale. Il m’a avoué plus tard qu’il ne nous aurait pas suivis, d’abord parce qu’il était tenu par son serment fameux (Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là) et ensuite parce qu’il avait mieux à faire. Évidemment.

Mais telle était notre politique, celle de nos vingt ans, faite d’enthousiasme et d’illusions, qui sait, la bonne peut-être ?

Un étrange lycée vraiment que ce collège aux quatre pensions de la rue Saint-Antoine ! Je dois m’y reporter pour vous faire comprendre « mon » V. H., né en moi du milieu influent où je m’ouvrais aux connaissances humaines. Il peut être documentaire d’ailleurs, pour les historiographes futurs de la Démocratie, d’établir, sur le témoignage de l’un de ses vétérans, comment s’en formaient les conscrits, à la fin du régime d’aventure dont un Jérémie prophétisa dix-huit ans le désastre.

Des quatre lycées de Paris, celui qui porte le nom de « l’Empereur à la barbe fleurie » a toujours été, et traditionnellement, un foyer de libéralisme. De mon temps, il flambait d’opposition. Il recrutait d’ailleurs la plupart de ses élèves dans cette petite bourgeoisie frondeuse, joviale, folle des libelles, qui venait de jeter Rochefort aux mollets des gens du