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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/279

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XIII

LES INCENDIES


Annoncer à un vieux peintre, qui depuis un demi-siècle y passait ses journées, que le Musée du Louvre brûlait et que ses formidables richesses d’art étaient par conséquent anéanties à jamais, c’était risquer de tuer cet artiste sur le coup et sur place. J’imagine un savant grec, au septième siècle, assistant à l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie par Omar Ier, dit le Judicieux, et voyant s’envoler en fumée le trésor héréditaire de l’humanité. Encore le cousin de Mahomet avait-il l’excuse de procéder au nom d’une loi religieuse qui ne reconnaît le titre de livre qu’au seul Coran. Mais qu’est-ce qu’avaient fait aux communards Rembrandt, Raphaël et Watteau ? La désolation de Glaize le Vieux menaçait de lui être mortelle. Toute la nuit du 24 mai, nous l’entendîmes sangloter sur sa couchette comme un enfant, bercé par sa vaillante compagne.

— Le monde n’est plus qu’un énorme trou noir, lui disait-il.