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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/40

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bien sûr qu’on s’y retrouve. Coquelin donc s’était occupé de me procurer le viatique.

— Homère, s’était-il écrié, est deux fois inimitable, et comme poète et comme vagabond.

Et selon cette doctrine, il s’en était allé trouver Peragallo, alors agent de la Société des Auteurs dramatiques, excellent homme, mort de sa bonté du reste, qui, sur la foi d’un simple début heureux, voulut me renter provisoirement sur sa cassette.

D’autre part Edmond About, dans tout le rayonnement de sa fortune, avait désiré me connaître, et, prié à déjeuner chez lui, j’avais trouvé, sous ma serviette, une étrange lettre en cornet, signée Buloz où j’étais invité à envoyer « de là-bas » des vers à la Revue, puis, dans cet étui, un pur rouleau de vingt-cinq napoléons à l’effigie du troisième. Je n’ai jamais cru, je l’avoue, à cette munificence de l’illustre borgne de la rue du Cloître-Saint-Benoît, et j’ai pour cela une bonne raison.

Lorsque je rentrai, guéri, de la cité dolente, ma première visite fut pour l’auteur du Roi des Montagnes, qui n’en revenait pas de me revoir.

— Je n’ai pas voulu mourir, lui dis-je, sans restituer à M. Buloz l’avance si gracieuse que je n’ai due qu’à une double erreur.

— Quelle double erreur ?

— Mais la vôtre, d’abord, sur mes capacités, et la sienne, ensuite, sur ma probité. Je lui ai adressé de « là-bas », selon sa lettre, un paquet de poésies « pour la Revue », et elles me sont revenues sous le même pli, et sanglées de la même ficelle. Je n’ai pas gagné la somme, et, si vous permettez, la voici.

Edmond About se mit à rire.